DIMANCHES 2010
Sundays 2010
On nous force à la promenade, mais le paysage défile trop vite. Il fond sous nos yeux, ne devenant plus que l’apparence de la vitesse transmise par des lignes horizontales. L’asphalte blanchi par le soleil brulant reste le point fixe, tandis que la végétation ne devient plus qu’un amas abstrait de formes. Nos dimanches, récurrents dans la pause qu’ils accordent, occupent une zone indéterminée : celle de notre solitude et de notre ennui contemplatif. On nous impose presque de ne rien faire pour mieux faire comme tout le monde. Alors on attend, on observe la lassitude des minutes dominicales.
Thomas Fort, in LIEUX COMMUNS
We are forced in promenade, but the landscape scrolls too fast. It melts before our eyes, becoming no more than the appearance of speed transmitted by horizontal lines. Bleached by the Sun, the burning asphalt remains the focal point, while the vegetation becomes a mass of abstract forms. Our Sundays, recurring in the break that they grant, occupy an indeterminate zone: that of our solitude and our contemplative boredom. It almost requires us to do nothing so we can be like everybody else. Then we wait, observing the lassitude of Sunday minutes.
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JE HAIS
LES DIMANCHES
Quel est le poids de l’ennui, a fortiori pour un enfant ? Dans nos sociétés postmodernes, l’oisiveté enfantine est nourrie par les images stéréotypées du divertissement. Images vaines qui s’égrènent dans le rituel télévisuel. Les journées se déroulent mornes et sans surprise. Que faire ? Rien. Sinon attendre que ça passe. Demain est un autre jour. Pauline et Zoé ont mis en commun l’ennui de leur enfance, pour l’épuiser, l’exténuer, le contrôler dans un protocole de travail méthodique. Travail à quatre mains pour réinventer la réalité quotidienne qu’elles ont vécue, chacune, séparément. Elles s’emparent de différents motifs dont elles figent l’apparence. Leur vision distanciée nous livre des archétypes d’habitats pavillonnaires, des clichés d’émissions de télévision, des vignettes désuètes d’objets reproduits dans les catalogues qu’on feuillette... Le travail d’élaboration de leurs images est lent, insistant, régulier et se répète au sein de séries... Il vise à l’effacement de leur propre geste. Il s’ajuste à ce retrait du documentariste. Le protocole de travail met en avant la règle, celle qu’on se donne et à laquelle on se tient... Les images photographiques ou électroniques, sont dessinées à la mine de plomb, consciencieusement, ou peintes à la gouache à la façon des pochades. Ces images d’images, paradoxales — images mécaniques faites à la main — soulignent la vacuité de notre monde, un monde désenchanté, un monde banal, sans but et sans destin.
René Lesné