HÉLIO
TROPISME 2010 - 2014

Heliotropism 2010 - 2014

L’héliotropisme nous y a conduits et pourtant, nous ne savons quoi y faire. Absorber par ce soleil de plomb, nous en oublions la foule absente autour de nous. Personne ne se bouscule au bord de la piscine, surdimensionnée et dans un même temps très «cliché», du complexe hôtelier. Rien finalement ne ressemble plus à la piscine d’un hôtel qu’une autre piscine d’un autre hôtel. On pourrait penser que la vue générale diffère, mais ici ou là nous avons l’impression d’être au même endroit malgré les divergences. On nous vend du rêve capitalisé et adroitement modelé par la branche marketing d’une société mondialisée. Les transats, rayés longitudinalement, attendent en vain que quelqu’un vienne bronzer. L’eau croupit dans une grisaille lumineuse, à l’ombre d’architectures de béton qui ont progressivement façonné les remblais de notre littoral.

Thomas Fort, in LIEUX COMMUNS

Heliotropism led us there, and yet we don't know what to do. Absorbed by the Sun, we forget the absent crowd around us. No jostling at the oversized and cliché pool of the resort. Nothing resembles more the swimming pool of a hotel than another swimming pool of another hotel. You might think that the overall view is different, but here and there you feel that you are in the same place despite differences. They sell us capitalized dreams, deftly modeled by the marketing branch of a globalized society. Deckchairs, striped longitudinally, waiting in vain for someone to sunbathe. The water stagnates in a luminous dullness, in the shadow of concrete architectures that have gradually shaped the embankments of our coastline.

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HÉLIOTROPISME

Tout ce qui compose le quotidien, dans sa banalité la plus intrinsèque, est, pour nous, source de projets et de dessins. Notre travail consiste à en sélectionner, collectionner et montrer certains pans ; nous n'inventons rien, car tout est déjà là. Regarder ce quotidien autrement pour le considérer et le représenter nécessite un effort constant et une grande attention aux lieux qui nous entourent. Il s’agit pour nous d’une mécanique à enclencher, d’une vigilance à l’égard de ce qui nous environne pour révéler ce que l'on ne voit plus.
Cependant, bien qu’il soit pour nous une source inépuisable, le quotidien nous apparaît parfois lassant et pesant, presque oppressant. Ainsi, après plusieurs années à regarder si près de nous, la nécessité de nous extraire de cet environnement est devenue évidente.
Les vacances, telles quelles sont vécues par la majorité du monde occidental, sont un sas de décompression, un moment que l'on anticipe, que l'on prévoit. Elles sont attendues, rêvées, idéalisées, comme un repère qui scande chaque année et devient une monnaie d’échange à de nombreux mois de travail.
Les vacances sont une fuite, où chacun cherche à échapper à la monotonie et au poids du quotidien. Elles reflètent la nécessité de partir, partir loin, partir au soleil. Les dessins présentés lors de l'exposition "Héliotropisme", vus au travers de séries plus anciennes, indiquent cette volonté de regarder ailleurs, et, encore une fois, plus loin.

Mais le dépaysement est-il vraiment possible dans le monde contemporain, globalisé et normalisé  ? D’abord envisagé comme une échappatoire, ce travail sur les vacances nous est en effet vite apparu comme une suite logique de nos précédentes recherches  : sous couvert de dépaysement, d’aventure et d’exotisme, les vacances peuvent masquer un simple déplacement du quotidien. Car si le vacancier part, c’est souvent pour choisir un lieu sécurisé où ses habitudes et sa routine peuvent à nouveau s'épanouir… Les stations balnéaires qui se sont développées de façon massive obéissent ainsi à des logiques d’optimisation de l’espace et du temps qui ne présentent aucune différence fondamentale avec celles à l’œuvre dans notre expérience quotidienne. Les complexes hôteliers censés offrir quinze jours de paradis suivent un cahier des charges précis, détaillé  : soleil, baignade, chaleur, oisiveté, bonne humeur...  Le rêve même est normé, normalisé, tout comme l’est l’exotisme, défini à partir d’un certain nombre d’éléments types - dont le plus célèbre est sans doute le palmier - qui deviennent autant de figures imposées. La piscine est souvent l’élément central et incontournable de ce rêve. Toujours plus grande et toujours plus extravagante, elle envahit l'espace, semble même déterminer l’architecture et acquiert une dimension sociale  : elle est la fois un repère, un lieu de détente, un espace de jeu et de rencontre.
Au terme de ses vacances, le vacancier n’a plus qu’à ramener les souvenirs qui lui signifieront qu’il a bien eu droit à son quota d’exotisme et de dépaysement  : bibelots, posters, cartes, fond d’écrans…  disséminés ça et là dans l’espace quotidien sont la preuve qu’on a été ici ou  là, qu’on a connu le rêve, et offrent autant de supports à de nouvelles rêveries. Il n’y a plus qu’à attendre les prochaines vacances…